La religion
Dans toute l’œuvre de Freddy Tsimba, l’esprit de la religion est, sans nul doute, présent et critiqué. Elle peut être un instrument majeur de l’annihilation de la puissance personnelle.
La religion a joué un rôle essentiel au Congo pour asservir les esprits. Elle efface la mémoire ancestrale et influence les imaginaires. Pour elle, le paradis est l’objectif, il faut oublier la terre. Freddy Tsimba s’insurge contre ce postulat. (In Koli Jean Bofane)
En 2011, une église du Réveil s’est installée à côté de l’atelier de Freddy Tsimba, quartier Matonge à Kinshasa. L’air était saturé par les sons des prêches, impossible de travailler en paix. Excédé par le bruit, Freddy Tsimba a créé cette œuvre. Il l’a installée ensuite devant sa parcelle au vu de tous. L’Église, choquée, a déménagé en voyant ce travail. Cette œuvre est la première d’une série de 9 femmes, toutes assises, avec des croix qui percent le corps.
Freddy Tsimba (1967), Réveil Sommeil, 2011. Matériaux de récupération, cuillères ramassées, couteaux et chaise en plastique. Collection Gervanne et Matthias Leridon. Photo © Mathieu Lombard. Courtesy Collection Matthias et Gervanne Leridon.
Œuvre réalisée à Kinshasa, elle fait partie d’une chapelle plus grande. Le projet « Les archives suédoises » a été initié par les artistes Anna Ekman et Cecilia Järdemar autour de la collection de plaques photographiques des missions suédoises au Congo belge (entre 1890 et 1930). Avec Freddy Tsimba, ils ont revisité ensemble la possibilité d’une lecture autre de l’histoire en prenant ces archives comme point de départ. Le père de Freddy Tsimba a étudié dans une mission suédoise.
Freddy Tsimba (1967), Croix, 2018. Matériaux de récupération, trappes à souris. Projet « Les archives suédoises ». Kalmar, Konstmuseum, Suède. Collection de l’artiste, Gand.
Face-à-face
Face à ce spectre de la religion, les collections du musée, photos et objets témoignent de l’importance des présences catholique et protestante au Congo, depuis le XVIe siècle.
En 1483, les Portugais sont arrivés au royaume Kongo sous le règne du roi Nzinga Kuvu. Ils ont lié des échanges commerciaux et culturels avec les populations et les évangélisaient. Les forgerons ont produit des crucifix en laiton Kangi kiditu représentant le Christ sur la croix, parfois, avec des personnages qui interprètent un message à l’entendement africain. Ces crucifix avec des orants attestent du syncrétisme qui s’est opéré entre la religion traditionnelle et la nouvelle religion. Ils étaient devenus des insignes de noblesse, de prestige du chef et du lignage.
Le crucifix kongo (Kangi kiditu) atteste de la première évangélisation et de l’introduction du christianisme au royaume Kongo, objet de dévotion produit entre le XVIe et le XIXe siècle.
Le système religieux traditionnel kongo postulait l’existence d’un Dieu suprême, unique et créateur de l’univers. Tout aussi importants étaient les ancêtres, les héros culturels et les esprits de la nature.
Ce crucifix influencé par le christianisme a été utilisé comme un objet de dévotion au même titre que la statue de la Vierge Marie et les médailles de saints.
Kangi kiditu. Crucifix. Kongo central, RD Congo. [Kongo]. s.d. Bois, fer, laiton. Achat à J. Vander Straete. HO.1963.66.1, collection MRAC Tervuren ; photo J. Van de Vyver © MRAC Tervuren.
Ce crucifix influencé par le christianisme représente un Christ féminin avec un bébé sur le dos. C’est une interprétation locale des maternités qui sollicitent la fertilité et la fécondité. Il symbolise le naître à nouveau et atteste du syncrétisme entre la religion traditionnelle et la nouvelle religion.
Crucifix avec Christ féminin et enfant. Kongo central, RD Congo. [Kongo]. XIXe siècle. Laiton. HO.1973.48.1, collection MRAC Tervuren ; © MRAC Tervuren.