La puissance de la femme

Suclpture de Freddy Tsimba, Dos

Freddy Tsimba (1967), Dos, 2016. Chaînes. Collection privée.



 

Ici, notamment, circule l’esprit de cette puissance particulière qui habite la femme et en laquelle Freddy Tsimba a foi. Sans cesse, il met en exergue la coercition de cette puissance jusqu’à hanter toute son œuvre. Pour lui, elle semble être le seul moyen de rédemption de l’Être. (In Koli Jean Bofane)

Sculpture de Freddy Tsimba, Femme ciseaux

Freddy Tsimba (1967), Femme-ciseaux. 2017. Ciseaux récoltés dans les hôpitaux. Galerie Angalia, Paris. Photo © Galerie Angalia.


 

Le ventre de la femme, quant à lui, depuis le début de ce XXIe siècle, s’est vu sacrifié, en RDC, à la conquête des minerais stratégiques ; par le viol systématique et la mutilation, afin de promouvoir l’extraction des matières du futur. (In Koli Jean Bofane)

Sculpture de Freddy Tsimba, I will not give them my diamond

I will not give them my diamond  (Ils n’auront pas mon diamant). 2014. Matériaux de récupération, clés ramassées. Collection Gervanne et Matthias Leridon. Photo © Mathieu Lombard. Courtesy Collection Matthias et Gervanne Leridon.

Éléments d’une série de 9 bustes en terre cuite, présentée pour la première fois en Belgique, à Herve, en 2004. Freddy Tsimba joue avec les mots. En lingala « mabele » a deux significations : la terre et les seins (libele au singulier). 

Tableau de Christiaen Van Couwenbergh, Le rapt de la négresse

« J’ai été profondément marqué par la rencontre avec ce tableau. La peinture connue comme Le Rapt de la négresse est une scène de viol d’une femme noire sans défense. Son cri reste suspendu. Le travail de van Couwenbergh est le miroir d’une Europe du XVIIe siècle. C’est le triomphe de l’impunité de ces bourgeois dont le pouvoir repose sur le sexe et une supériorité imaginaire. La peinture m’a inspiré les deux œuvres The Forgotten’s Tears et I will not give them my diamond. » (Freddy Tsimba).

Christiaen van Couwenbergh (Delft, 1604-Keulen, 1667). Scène de mœurs, dit Le Rapt de la négresse, 1632. Huile sur toile.105 x 127,5 cm. Musée des Beaux-Arts de Strasbourg. Photo © Musées de Strasbourg.

Les statuettes exposées, les dos des femmes, possèdent une puissance visible. Des scarifications profondes peuvent y figurer. Malgré le travail minutieux du sculpteur ou du scarificateur, les dos demeurent dans une posture de fermeté. Les dos sculptés par Freddy Tsimba renvoient à cette puissance qui se prolonge par la nuque qui, elle, porte la tête sur lequel un colis est posé. (In Koli Jean Bofane)
Des sculptures faites de douilles, de cartouches et autre matériel de récupération, font face à de traditionnelles représentations de mères à l'enfant des collections du musée.

 

Face-à-face

Statue de mère et enfant. Kongo central

Statue de mère et enfant (dos). Kongo central, RD Congo. [Yombe]. Avant 1955. Bois, verre, pigments. Don de M. Valcke, 1955. EO.1955.98.40, collection MRAC Tervuren ; photo J.-M. Vandyck © MRAC Tervuren.
 

La maternité Phemba est une représentation de la mère et enfant sculptée en bois ou en pierre (stéatite). Elle évoque la naissance nombreuse, la fécondité, la fertilité des femmes, la continuité du lignage et la survie de la communauté. Au-delà de l’idée de procréation, la maternité est un symbole puissant de richesse, de prestige du clan et de réincarnation d’un ancêtre du lignage. À cet effet, elle est utilisée pour le rituel, le culte de la fécondité, la divination, les funérailles, le pouvoir politique.
Pour la maternité Phemba, la mère peut être assise jambes croisées, agenouillée, accroupie, assise sur un support ou debout portant son enfant sur les cuisses, les bras, la hanche, l’épaule, le dos. Chacune de ces positions a un sens culturel spécifique. 

Ndona Nkento. Statue de mère et enfant

Ndona Nkento. Statue de mère et enfant. Kongo central, RD Congo. [Yombe]. Avant 1977. Bois, pigments. Achat à F. Van Noten, 1977. EO.1976.77.1, collection MRAC Tervuren ; photo J. Van de Vyver © MRAC Tervuren.
 

La maternité Ndona Nkento évoque l’ancêtre féminin tutélaire, fondatrice du lignage et gardienne des secrets du pouvoir. Elle rappelle le statut social privilégié de la femme dans le système matrilinéaire. Associée au pouvoir politique, elle est utilisée comme un insigne de dignitaire.

Statue de mère et enfant. Mayumbe, Kongo central

Statue de mère et enfant. Mayumbe, Kongo central, RDCongo. [Yombe]. Avant 1910. Bois, kaolin, pigment noir, pigment rouge. Collecté par Vankerkhoven, avant 1909. EO.0.0.1040-1, collection MRAC Tervuren ; photo J. Van de Vyver © MRAC Tervuren.

Maternité peinte en blanc de kaolin, allusion à la mère idéale ; celle qui devient une épouse et une mère féconde, celle qui donne la vie et éduque son enfant. Elle représente aussi une mère qui aurait eu l’enfant après avoir subi le rituel de fécondité. La couleur blanche du rituel sous-entend simultanément la couleur rouge. Elle traduit la pureté, alors que le rouge symbolise la bravoure de l’accouchement, la transformation qui confère à la femme un statut privilégié.